Interview,  Portrait

Quand la souffrance est une source d’eaux vives

Temps de lecture : 5 minutes

Passionné de Dieu et désireux de mieux le servir, David est un jeune congolais de 25 ans qui étudie la théologie en Belgique. Durant ses études au Continental Theological Seminary, sa famille et lui traversèrent une grande épreuve qu’il accepte de partager avec nous aujourd’hui.

– Peux-tu nous parler de ta relation avec ton père, de sa place dans ta vie ?

David : J’ai toujours été proche de mon père. Il y avait entre nous une connexion évidente. C’était un homme affectueux qui nous prenait facilement dans les bras tout en ayant ce respect du père lié à notre culture. C’était mon confident, mon ami, ma référence. On avait les mêmes délires, on échangeait librement. On parlait de livres, il nous racontait ses expériences d’enfance. C’était un homme sage avec beaucoup de discernement qui nous ramenait toujours vers Dieu et la foi. Il avait également un rôle prophétique dans ma vie. Je l’appelais fréquemment, pour tout : un besoin financier, des conseils, parler, lire la bible, prier ensemble, à n’importe quel moment, il était disponible. Il nous protégeait, pourvoyait aux besoins de sa famille. Toutes ces choses faisaient que dans ma vie, il venait juste après Dieu : il y avait la voix de Dieu puis sa voix. Il avait prit une place tellement centrale, à la limite de l’idolâtrie. Je suis lucide, comme tout humain, il n’était pas parfait mais ce fut un bon père.

–  Il est décédé, soudainement, voilà un an et demi. Qu’as-tu ressenti à l’annonce de cette nouvelle ?

David : La mort de mon père avait été prophétisée depuis longtemps. Mais, avec le temps, on se dit que les prophètes parlent juste comme ça. Quand il est mort c’était comme si j’étais prêt. Depuis quelques jours ainsi que le matin même, je ressentais cette pensée de Dieu : « Ton père va mourir, ton père va mourir ». Je ne me suis pas senti abattu, ne réalisant pas tout ce qui se passait. C’était une sensation bizarre que je n’arrive pas à expliquer : une certaine tristesse, liée à cette nouvelle et ce sentiment négatif que je ne voudrais plus jamais éprouver, mais aussi un moment calme ; ça aurait pu être pire. Cette impression d’être prêt était comme une confirmation venant de Dieu. Les questions se bousculaient, je pensais à l’avenir, mes frères et sœurs, mon retour au Congo. Avec mon frère on s’était dit qu’on devait rester forts et lucides pour les autres. J’ai été tout le temps entouré par mes amis dès l’annonce de cette nouvelle jusqu’à mon départ.

– Dans le tumulte et l’agitation des obsèques au Congo, puis ton retour dans ton quotidien belge, comment as-tu vécu ces moments ?

David : Avant de partir, je sentais que je n’étais pas seul. Le soutien de mes amis et d’autres étudiants de l’école dans mes préparatifs de départ, m’a beaucoup aidé. J’ai vu, ressenti l’amour et le support des gens. Dieu me montrait sa bonté ; cela m’a fait du bien. Ce fut néanmoins un mois épuisant, très complexe.

Arrivé au Congo, sans amis, je me suis senti seul mais mes frères étaient là. Dieu avait orchestré les choses, avec le retour de certains de mes frères, avant même le décès de papa mais aussi une provision financière pour payer les obsèques. Ce fut aussi beaucoup de moments de prière, d’attente, de lassitude. La lecture, la prière, le soutien quotidien de mes amis de Belgique, furent précieux mais par-dessus tout, ce rappel incessant de Dieu :

” C’est moi ton père “

Vint le retour en Belgique. Malgré l’accueil d’une famille bienveillante, la vie fut plus compliquée. Financièrement, je n’avais plus le soutien de mon père, il me fallait travailler. Administrativement, les difficultés se sont accumulées, j’étais fatigué jusqu’à penser que Dieu m’avait abandonné. Mais Dieu pourvoyait toujours. J’ai expérimenté, et encore aujourd’hui, la provision divine, des dons de l’église ou d’anonymes… Dieu a commencé à pourvoir d’une manière incroyable dans les petites choses, ex. : mon assurance payée chaque mois, le carburant dans ma voiture… et ça, sans travail. Ces choses m’empêchent de tomber dans l’ingratitude.

– Au travers de tout cela, quelle était ta relation avec Dieu ? quelle place occupait-il ?

Au Congo, quand j’étais dans ma chambre, Dieu me rappelait inlassablement que c’était lui mon père, qu’il était toujours vivant, qu’il ne pouvait pas mourir.

Il me promettait que je reverrai mon père mort dans la foi, ce qui signifie, qu’appartenant à Dieu nous nous retrouverons dans l’éternité. La mort, issue inéluctable, n’est pas une fatalité. J’avais besoin d’entendre ça pour ne pas sombrer dans le désespoir.

La mort de mon père a été une ouverture pour expérimenter Dieu comme père, pas un père qui cède à nos caprices, mais qui sait ce dont nous avons besoin, qui nous conduit à la bonne place. C’est cette dimension de père que je suis en train d’apprendre. Je réalise que, 

Dieu crée en nous un Homme spirituel, détruit les idoles et nous purifie.

Je lisais beaucoup 1 Pierre qui parle d’être forgé à travers l’épreuve. La foi est éprouvée par le feu pour qu’elle soit solide. Le but de Dieu est de nous conduire vers ce pourquoi nous avons été créés, vers notre destinée. Cette dimension de la paternité observée chez mon père, je la perçois également chez Dieu.

Contrairement à mon père qui souhait me protéger, Dieu ne voulait pas m’épargner la dureté de la vie. Il désire être avec moi dans les difficultés. C’est une dimension que je découvre également. Il veut faire de nous des combattants, des hommes persévérants. J’ai compris que

Dieu veut toujours nous conduire dans ce moment où nous prions : « Que ta volonté soit faite ».

Dieu fait les choses à sa manière, sait ce qui est mieux, ce qu’il me faut. Parfois en contradiction avec nos perspectives, il utilise des chemins autres que les nôtres. Les bonnes choses de Dieu peuvent nous sembler douloureuses, Romains 8:28. C.S. Lewis dit qu’au ciel, ce que nous voyions comme des larmes de souffrances, étaient en fait des sources d’eaux vives. Ainsi, nous nous rendrons compte que le ciel avait déjà commencé sur terre.

– Tu as écrit un chant « Ma certitude », suite au décès de ton père. Tu parles de Dieu en tant que Père. Dans quel état d’esprit et quelles circonstances l’as-tu composé ?

Dans cette chambre au Congo, j’écoutais beaucoup « Faithful to the end » de Hannah McClure, durant mes temps de prière. Un passage restait dans ma tête, j’ai pris ma guitare pour travailler la mélodie et écrit les paroles. Dans ces moments-là, je pensais à la vie, me demandant ce qui allait se passer car mon père était mon repère. Un frère qui nous avait visités à mon arrivée au Congo, m’a partagé un verset qui l’encourage constamment, Esaïe 30:15, qui deviendra le refrain : « Dans le calme et la confiance se trouve ma délivrance, dans Ton Cœur de Père d’amour se trouve mon espérance ». C’est la première chose que j’ai écrite. Je voulais partager mes peurs, les frustrations mais aussi l’espoir en l’avenir, avec cette certitude profonde que Dieu ne me laisserait pas. En rentrant en Belgique, le chant prit sa forme définitive. Une chose est certaine, ça peut être difficile, mais Dieu n’est pas un menteur, il ne me laissera pas. Jésus est ma certitude.

– Quels enseignements as-tu tirés de cette épreuve ? Après un an et demi, où en es-tu dans ton cheminement de deuil ?

Ce n’est un cheminement pas facile. Il y eut des temps de forte confiance et de forts doutes. A certains moments, j’étais si triste, tellement mal en point, doutant de l’existence de Dieu, je ne pensais qu’à la situation présente, oubliant ce que Dieu avait accompli. A d’autres moments tu te rends compte que Dieu, c’est le plus important. Ces situations sont fondamentales, elles nous ramènent toujours à genoux, pour nous plaindre ou affirmer notre confiance en Dieu.

Récemment encore, j’ai rêvé plusieurs fois de mon père, je me sentais bien en sa présence. Je souhaite encore qu’il soit là, mais j’attends dans la joie de le retrouver au ciel. J’ai beaucoup avancé : certains jours je pense à lui, je suis proche de lui. Ce n’est pas un souvenir, je désire le voir, lui parler. Il demeure dans mon cœur et mes pensées.

– Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Je me suis aperçu que la famille est très importante. Maintenant j’appelle les miens régulièrement, ça me procure une certaine paix. Certains ont des familles brisées, mais Dieu peut donner de « nouvelles familles ». L’autre constat est que Dieu ne cherche pas toujours à nous épargner les épreuves, il veut parfois nous les faire traverser, un moyen pour briser notre chair. J’encourage chacun à accueillir l’épreuve comme l’école de Dieu. Il nous accompagne et nous fortifie pour l’affronter. La vie est faite de joies et d’épreuves. Pour reprendre C.S Lewis, dans la perspective de Dieu,

Les larmes de nos souffrances sont comme des sources d’eaux vives.

Priscilla est une jeune femme qui apprécie les moments de qualité avec son entourage. Et si cela peut se faire autour d’un bon brunch ou d’un goûter, ce moment ne sera que meilleur. N’aimant pas beaucoup l’école, c’est pourtant à plusieurs reprises qu’elle y retourne. À sa grande surprise, elle découvre un réel plaisir pour l’apprentissage de nouvelles choses dans divers domaines tels que l’administration, puis l’esthétique et, pour finir (normalement…), la théologie. Elle garde un vrai coup de cœur pour ces deux dernières sphères. Priscilla aime prendre soin des autres. L’épanouissement physique et spirituel est ce qui lui importe le plus. Cela peut passer par un joli maquillage, un bon massage mais aussi par le partage de pépites que recèlent la bible ; deux dimensions qui façonnent l’individu. C’est ce type d’attention qui la poussent à accompagner les autres à cheminer dans leur vie.

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