
Deuil : Pleure mon ami, je suis là
Depuis le début de la pandémie Covid-19, j’ai vu des personnes s’éteindre, mais aussi beaucoup d’autres personnes pleurer leurs proches. Et que nous ayons 20, 35 ou 60 ans, je réalise qu’il sera toujours aussi difficile d’avoir une « bonne » réaction face à une famille endeuillée.
Chacun accueille la nouvelle avec ses émotions et selon sa propre expérience. Nous sommes tous capables de surmonter la perte mais chacun avance à son propre rythme. Le deuil n’est pas une maladie, mais une épreuve inévitable de la vie qui demande du soutien et de l’accompagnement. Il n’y a pas de mode d’emploi, et il n’y en aura probablement jamais. Mais après un temps de réflexion, et de multiples conversations, je suis arrivée à la conclusion que les grandes conversations et les services rendus, certes sont bénéfiques, mais ne seront jamais plus réconfortant qu’une présence amicale et bienveillante.
Nous devons tous réaliser une vérité : Nous avons tous une appréhension et une perception différente de la mort, de ce fait nos réactions sont également différentes. Certains sont pétrifiés à l’idée d’en parler. Certains se sentent suffisamment à l’aise, ou « préparés » car ils l’ont déjà vécu. Étrangement, on pourrait presque dire qu’ils ont de l’expérience. Ils savent quoi dire et que faire, alors que d’autres sont complètement démunis, au point de perdre toutes leurs facultés. Quelques-uns se taisent, un mutisme que nul ne saurait expliquer. D’autres, au contraire, ne peuvent s’empêcher de parler pour comprendre ce qui s’est passé.
Quand nous avons perdu ma grand-mère, ça a été les funérailles les plus pénibles de ma vie. Premièrement parce que c’était douloureux, mais aussi parce que j’étais incapable de trouver ma « bonne » place dans tout ça. Les gens affluaient de partout, ils présentaient leurs condoléances, parfois même maladroitement. Certains pleuraient et criaient, d’autres discutaient, voire rigolaient entre eux. Quelques-uns semblaient très tristes alors que d’autres ne laissaient transparaître aucune émotion.
Dans ma famille aussi, les comportements étaient inattendus et parfois surprenants. Ma tante, en charge des funérailles, s’est montrée forte jusqu’au départ des convives, après quoi elle a explosé. Mon beau-père, tétanisé et rudement affecté, n’a pas su nous accompagner jusqu’au cimetière, mais il a été d’un soutien émotionnel irréprochable. Ma mère, forte comme toujours, est restée d’un calme olympien et surnaturel. Une de mes grande-tante, très affectée, s’est beaucoup agitée, recherchant autant de soutien qu’elle pouvait. Personnellement, j’étais irritable et fragile. Nos proches ont répondu présent, ils nous ont accompagnés, et ça a été réconfortant.
Accepter la perte d’un être aimé demande du temps, c’est un cheminement personnel
Nous ne sommes pas tous « appelés » à accompagner dans le deuil. C’est un réel défi, c’est imprévisible. Mais quand nous choisissons de le faire, c’est toujours par Amour. Nous compatissons ! Souvent nous nous montrons forts, et non tenons bons, mais parfois nous aussi nous souffrons avec eux et acceptons simplement de partager leur douleur.
Accepter la perte d’un être aimé demande du temps, c’est un cheminement personnel. C’est pourquoi le fait d’avoir déjà été confronté à la mort, nous rend plus sensible et attentif aux besoins de l’autre pour l’accompagner à son tour.
Étapes du deuil
Le docteur Elizabeth Kübler-Ross, psychologue et spécialiste du comportement, a nommé 5 étapes pour expliquer ce processus de deuil : Déni – Colère – Marchandage – Dépression – Acceptation. Bien que ces étapes soient « normales », Jacques Poujol précise que nous ne les expérimentons pas tous dans ce même ordre chronologique. Chacun suit son cheminement selon son histoire individuelle, sa personnalité.
De par mon expérience personnelle et professionnelle, je pense que l’accompagnement d’un ami endeuillé demande une certaine connaissance de ces 5 étapes.
La première étape, le Déni, se caractérise par un refus catégorique de la perte de l’être aimé. Choquée par l’annonce de la séparation physique, la personne endeuillée est envahie de sentiments négatifs, comme la frustration ou la désillusion. « Ce n’est pas possible, ce n’est pas réel, … » Toute cette confusion non-élucidée laissera ensuite place à la phase de Colère. Incomprise et bouleversée, elle adoptera, malgré elle, une attitude de révolte, un besoin de vengeance, voire un comportement destructeur pouvant être orienté vers elle-même et/ou vers les autres. Puis apparaît brièvement l’étape du Marchandage, durant laquelle la personne endeuillée va tenter de négocier intérieurement un retour en arrière, soit avec Dieu ou au travers de rites religieux. Lorsqu’elle prend conscience que la perte est définitive, elle aborde alors la période de Dépression. Une grande tristesse s’installe, elle se sent vide et ne semble plus voir le bout du tunnel. Bien que parfois longue, cette phase reste temporaire. Un beau jour, cette personne s’éveille à nouveau, elle décide d’entrer dans la phase d’Acceptation. Elle est de nouveau prête à affronter l’avenir, elle accepte l’absence, et elle se sent apaisée.
Actions pour aider et accompagner
Je n’aurais pas la prétention de donner ici le « parfait comportement à adopter » pour accompagner une famille endeuillée. Mais je propose une combinaison des 5 actions autour desquelles pourraient graviter nos actes et paroles afin d’aider et accompagner au mieux l’autre dans les différentes étapes du deuil :
Écouter
Être patient
Être disponible
Être bienveillant
Encourager
Au début, la famille aura principalement besoin de se retrouver, pour se soutenir et maintenir son unité dans l’épreuve. Puis viendra le moment où chacun individuellement aura besoin d’être entouré et écouté. Bien qu’ils ne veuillent pas devenir le centre de l’attention, tous finiront par manifester le besoin de s’exprimer. Offrons-leur un espace, physique et sonore, suffisamment sécurisant et confortable pour qu’ils puissent mettre des mots sur leurs ressentis. Laissons-les aussi pleurer quand cela est nécessaire.
D’autres fois, apprenons à être silencieux. Nos grands discours ne seront pas toujours indispensables. Il existe une aide qui s’apporte sans paroles. Et certains auront simplement besoin d’une présence amicale à leurs côtés, quelqu’un d’attentif et compatissant.
Continuons à être authentique dans notre relation avec ces personnes. Partageons notre quotidien, nos joies et nos peines avec elles. Ne les isolons pas sous prétexte qu’elles sont tristes. Favorisons les moments d’humour et de rire, il paraît que c’est bon pour la santé. Restons intentionnels et constants. Quelques-uns pourront parfois se montrer irritables et sévères dans leurs propos, faisons preuve d’amour et de persévérance à leurs égards, pardonnons-leur leurs mauvais jugements.
Prenons soin d’eux, prêtons attention à leurs besoins. N’attendons pas qu’ils le demandent, ils ne le feront pas ! Soyons volontaires. Rendons-leur service, mais n’attendons rien en retour. Mais agissons dans le temps car ils continueront à avoir besoin de nous.
Enfin, soutenons-les spirituellement. Apportons-leur des paroles encourageantes et un message d’espoir : Dieu les voit, Il connaît leur douleur et Il veille sur eux. Il ne les a pas abandonnés, bien au contraire. Encourageons-les à prier, prions avec eux.
Enfin, prenons garde également de nous reposer et de prendre soin de nous-même, à tous niveaux. Nous ne pourrons pas prendre soin des affligés, si nous même nous sommes épuisés. Veillons sur notre cœur et notre âme afin d’être efficace dans notre « rôle » d’accompagnant.
Pour terminer…
Notre expérience personnelle de la mort peut nous limiter ou nous qualifier à soutenir quelqu’un dans cette épreuve de vie. Maintenant que nous en connaissons, brièvement, les tenants et les aboutissants, nous pouvons décider de relever ce défi. La période de deuil peut être très longue et difficile selon notre histoire personnelle. Nous pouvons tous nous soucier et prendre soin des autres. Et je crois fermement que chacun a en lui la capacité, par sa simple présence, d’accompagner et de soutenir l’autre. Même si nous ne savons pas quoi dire, ou quoi faire, soyons simplement nous-même, authentiques, bienveillants et constants dans notre relation avec l’autre, car il n’aura jamais besoin de beaucoup plus que notre présence.
No More, No Less.
Jerry Sittser[La douleur] est aussi persistante que le vent dans les Prairies, aussi constante que le froid dans l’Antarctique, aussi érosive qu’une débâcle printanière. Elle n’accepte pas d’être niée et il n’existe aucun moyen de s’y soustraire. Tout compte fait, le déni, le marchandage, les dépendances et la colère ne sont que de simples tentatives de dévier de ce qui à la fin triomphe de nous tous. La douleur aura son temps parce que la perte est indéniablement et désespérément réelle.
Pour aller + loin
- Un livre : David Furman, Accompagner ceux qui souffrent
- Une vidéo : Axelle Huber, Axe Réussite, Le Deuil : Accompagner un proche endeuillé, quelle aide, quelle parole, quel silence privilégier ?
- Un dossier d’articles : Le Pèlerin, La mort, le deuil et nous

Elena
Originaire de l'Île de la Réunion, Elena est issue d’une famille multiculturelle. Elle voyage et sillonne le monde depuis son plus jeune âge. Aventurière, elle aspire à découvrir de nouvelles cultures et rencontrer de nouvelles personnes. Elle est infirmière spécialisée en Santé Mentale. Elle a également un bachelier en Théologie, et depuis peu, elle a commencé une formation en Relation d’Aide Pastorale. Elle aime écrire ainsi que l’idée même de pouvoir mettre sur papier ce que elle ressent et vit. L’écriture est devenue un outil précieux dans son quotidien. Elle note tout, écrit partout, gribouille sur tout ce qu'elle trouve. Elle aime briser les silences, soulever les sujets tabous et inviter les autres à discuter librement sur des sujets atypiques, dans un espace « Secure & Safe » ; ça libère !!!! "Aime en tout temps, Pleure autant que tu veux, Rigole toujours !"

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